RENCONTRE – Jake Gyllenhaal « C’est l’histoire qui compte »
Pas à pas, il a acquis le statut de valeur sûre du cinéma. A force de choix judicieux, Jake Gyllenhaal accumule des rôles toujours plus ambitieux. Cowboy en découverte de son homosexualité dans Le Secret de Brokeback Mountain, détective dans Prisoners et dernièrement chasseur de scoops dans Nightcall, ses prestations lui valent plusieurs nominations aux Oscars. Présent à Cannes en Compétition aux côtés de David Fincher pour le film Zodiac (2007), l’acteur intègre cette année le Jury des Longs métrages présidé par les frères Coen. Entretien.
Quel cinéphile êtes-vous ?
Je pense que le plus important, par-dessus tout, c’est l’histoire. Je me sens comme l’artisan d’un bon film, mais j’aime aussi être amusé par une œuvre. Tout est une question de temps dans un film et de comment on perçoit ce temps.
Avez-vous une propension pour les films dramatiques ou ces rôles s’imposent à vous ?
Je gravite autour de ce style dramatique, j’aime travailler des matières qui ont suffisamment de profondeur pour apprendre et étudier quelque chose sur soi. Et je pense qu’on peut apprendre autant d’un drame que d’une comédie.
Dans Enemy, votre personnage est subtilement expressif, dans Prisoners, il est pétri de tics. L’expression importe plus que les mots ?
Je ne vois pas ça comme ça. Je préfère les histoires neuves, je suis guidé par mes découvertes. Parfois, le scénario vous guide et vous devez juste dessiner un plan et le suivre. Parfois, le scénario est plus abstrait et vous vous inspirez de ce qui se passe dans le monde extérieur, à la recherche d’indices. Vous commencez alors à sentir ce que le metteur en scène veut vous dire.
Dans le cas de Prisoners, le personnage écrit n’était pas très spécifique donc, avec Denis Villeneuve, on lui a ajouté de la spécificité. Nous avons fait des choix sur l’essence du récit, et je voulais qu’il soit mystérieux parce que le film est un mystère.
A 34 ans, vous avez déjà 24 ans de carrière derrière vous, quel personnage souhaiteriez-vous incarner ?
Je n’ai pas de désirs de ce type. Mon instinct n’est pas aussi spécifique. Il n’y a pas chez moi de démarche du type « je veux jouer tel rôle ». C’est l’histoire qui compte. Je pense que l’univers nous apporte des choses et ça relève de notre choix de les suivre ou non. J’ai plus de désir de travailler avec des réalisateurs et des artistes que j’admire. Je suis un grand fan de Spike Jonze et des frères Coen : certaines personnes partagent un sens de l’anarchie que j’adore.
On vous retrouve bientôt au générique de Southpaw, pour lequel vous avez subi une transformation physique importante. Est-ce le passage obligé ?
Cela dépend encore une fois de l’histoire. Pour Southpaw, je devais jouer un boxeur et de nombreux films avaient déjà été tournés sur les boxeurs. Je voulais avoir l’air d’un pro alors je me suis entraîné deux fois par jour pendant cinq mois, parce que j’ai réalisé qu’en m’entraînant deux fois plus, j’économisais cinq mois supplémentaires ! C’était inspirant : se surpasser et goûter aux difficultés de l’entraînement professionnel a rendu ce travail fantastique.
Après Southpaw, j’ai tourné un film avec Jean-Marc Vallée et l’aspect physique n’était pas aussi important. Il s’agissait plus d’un voyage intérieur. Chaque réalisateur est différent et il faut se mouvoir avec leur vision. La dernière chose qu’un acteur souhaite, c’est contredire la vision du réalisateur.